A ce jour, les vins de la récolte 2022 peaufinent leurs arômes dans les caves alsaciennes. Pourtant, au mois de juillet, les viticulteurs de la région étaient très inquiets et pensaient tous que leur récolte était perdue. En effet, après quelques dégâts de grêle plus ou moins importants selon les secteurs au mois de juin, la sécheresse débutée au printemps n’a laissé aucun répit aux vignes alsaciennes.
Alors que l’on estime la production totale de vin d’Alsace à un potentiel maximal d’environ 900 000 hl, des petites pluies au mois d’Août viennent sauver la mise. Plus de peur que de mal ! Les vendanges, certes précoces, ont tout de même été fructueuses. Les baies de raisin ont pu se gorger d’eau inextremiste et délivrer un millésime de qualité et d’une quantité inattendue. C’est alors que la question de l’irrigation se pose…
Le 14 mars 2022, l’assemblée générale de l’Association des Viticulteurs d’Alsace a exprimé la volonté de supprimer l’interdiction d’irriguer les vignes de l’appellation Alsace. Au vote, 63 voix pour cette suppression, 35 contre et 12 abstentions. Mais attention, il n’est pas question d’autoriser cette pratique sans frontières. Les premières réflexions concerneraient une irrigation en goutte à goutte, avec un système optimisé et seulement pour les secteurs les plus touchés par la sécheresse. L’eau étant une ressource précieuse, il ne faut pas l’utiliser n’importe comment !
De plus, l’irrigation n’est pas anodine pour une vigne.
Actuellement, il est interdit d’irriguer les pieds de vignes en Alsace. Pour s’assurer que la vigne survive en période de sécheresse jusqu’alors, le viticulteur à mis en œuvre des techniques mécaniques. En effet, les racines de la vigne se dirigent naturellement vers l’endroit où il est le plus facile de capter l’eau, comme un instinct de survie. En saison sèche, l’eau se trouve dans les profondeurs des sols. À l’inverse, en saison plutôt pluvieuse, le sol est gorgé d’eau en surface. La vigne développe alors son système racinaire en fonction des ressources d’eau disponibles. Si la période est sèche, les racines se développent en profondeur. Si l’eau se trouve en surface, le système racinaire se développe en surface. Mais lorsque la vigne sera à nouveau confrontée à une période de sécheresse, les racines, qui se sont développées en surface, n’apporteront aucunes ressources, et la vigne mourra.
Pour éviter le développement des racines en surface, dû aux pluies, le viticulteur travaille le sol et passe la charrue pour casser les racines de surface. La vigne, systématiquement brisée dans son développement racinaire, va alors se diriger vers les profondeurs. Le viticulteur assure donc la survie de la parcelle en cas de manque d’eau.
L’irrigation mal contrôlée reproduirait une saison pluvieuse au niveau du sol. Par facilité, les racines n’iraient pas chercher l’eau en profondeur, mais plutôt en surface. Malgré un travail du sol, qui serait rendu plus compliqué, car le sol serait souvent humide. Elles ne pourraient alors plus survivre à une sécheresse et seraient dépendantes de l’irrigation.C’est pourquoi, apporter de manière artificielle des ressources en eau mal contrôlées à la surface de la terre des vignes, pourrait conduire à une dépendance hydrique de la parcelle. Une dépendance à éviter au risque de devoir utiliser une quantité élevée d’eau, ressources que nous savons déjà faible en période de sécheresse.
Vous l’avez compris, pour irriguer des vignes il ne s’agit donc pas seulement « d’arroser ». Si la suppression de l’interdiction d’irriguer les vignes en Alsace se concrétise, des règles très strictes verront le jour.